mardi 8 juin 2010

Wolf Eyes, Om, Acid Mother Temples @ Cabaret Sauvage / 03-06-10



Si je devais être honnête, je vous dirais que quoi qu'il arrive, mon report de ce concert se devait d'être enthousiaste, pour la bonne raison que le duo basse-batterie incantatoire né sur les cendres de Sleep est un des groupes ayant marqué mon apprentissage musical. Il y a eu Nostromo, Orchid, Neurosis ou plus tard Der Blutharsch, et il y a eu Om. Je suis d'ailleurs incapable de chroniquer le moindre album de ces derniers tant leur musique se joue "ailleurs".  Ajoutez à cette fanitude sans borne, la rareté de leurs passages dans l'Hexagone et vous comprenez pourquoi j'attendais avec beaucoup d'impatience le 03 juin, brûlant de l'encens et des cierges pour remercier les organisateurs du festival Villette Sonique.

Dans l'ambiance tamisée du Cabaret Sauvage, c'est le groupe bruitiste expérimental Wolf Eyes qui ouvre littéralement les hostilités. Les premières minutes sont effrayantes de nullité. Aucun souffle, aucune âme à cette succession de bidouillages faciles, qui, au lieu de participer d'une déconstruction ne s'amoncellent que sur du rien. Des introductions indus que ne renieraient pas les mecs de Neurosis, mais sans le morceau qui vient derrière. L'angoisse. Et puis, avec le second morceau, le set se lance sur une toute autre voie, sans pour autant céder à la rythmique régulière, les samples de percussions inversées viennent insuffler quelques basses cruellement manquantes au trio (chant/machines/guitare). Les cris saturés du chanteur luttent pour se faire un chemin entre les bignous (excusez mon inculture en instrument à vent :/ ) et les flûtes hurlantes, couvertes de delay et de crachins d'ondes. Malgré l'inconstance et le flot aléatoire de leur musique, le public commence à hocher la tête, en non-cadence, yeux fermés, crispés...et le set s'arrête. Interrompu pour des questions de temps, ce qui semble pas mal frustrer les trois du Michigan. Sentiment partagé donc, entre simple bruit et pur chaos, entre facilité bruitiste et vacarme intelligent.

Mes partenaires de concert semblent eux moins convaincus, l'un en perd ses cheveux, l'autre en casse une table. C'est ce moment que choisis l'un des rares lecteurs de ces pages pour nous retrouver, juste avant qu'Om ne se lance, laissant finalement la tête d'affiche aux Acid  Mother Temples.



On m'avait prévenu, je l'avais lu un peu partout, Om en live aujourd'hui c'est nul : morceaux tronqués, son moisi, jemenfoutisme exagéré, bref, j'appréhendais un peu le passage live d'un groupe qui sur cd ne m'a jamais déçu. (eh oui, même le dernier en date, God is Good, figure pour moi dans le top 10 de l'année dernière). Alors qu'en est-il exactement? Il faut savoir que ce soir là, et contrairement à certaines dates récentes, les mecs ne sont que deux, pas d'indiens au tampura, pas de sitar, pas de flûte, juste une basse et une batterie. Cette configuration les oblige donc à se focaliser sur des titres plus anciens, ou a "assécher" les derniers titres qui, en studio, étaient pourvus d'arrangements beaucoup plus riches.
Le set démarre plutôt mal puisque Cisneros s'interrompt dès le premier morceau pour des problèmes d'ampli. Après quelques minutes, le premier morceau est joué en intégralité mais le set  est de nouveau interrompu. A ce point du concert, des mecs commencent un peu à gueuler, d'autant que le groupe quitte la scène et que le Cabaret Sauvage repasse en mode "musique d'attente". Pour ruiner un concert qui se veut incantatoire, presque mystique, c'est juste parfait. (Là, je peux le dire, je commençais un peu flipper ma chienne de race.)



Et puis ils reviennent. Meditation is the practice of Death et ses roulements de toms fous, et je m'y perds, je ne reconnais plus les morceaux ("de toute façon, avec Om c'est un peu toujours le même morceau" me glisse mon voisin de droite.). Le headbang se fait de plus en plus fort, et je comprends que le live nuageux, méditatif et introspectif ce n'est pas pour ce soir. Om semble revenir à ses premières amours, aux basses plus fortes que jamais, à la répétition assourdissante. Lors d'une accalmie, Miss Frange et moi tentons une reconstitution vocale des premières notes d'At Giza, et, comme par magie, elles retentissent soudain dans la salle. 25 minutes d'une transe violente et suante, baignée dans les spots bleus, je ne peux m'empêcher de jouer de la air-basse, air-batterie, air-shaman. Je n'ai pratiquement pas vu Om. Je n'ai presque pas vu la scène. Les yeux fermés, j'ai essayé de vivre au maximum cette expérience musicale et physique. Là où l'année dernière, Sunn O))) s'était attaqué de front aux infrabasses avec l'intégralité de leurs Grimrobes Demos, Om s'insinue plus subtilement, en mêlant un jeu de batterie riche et puissant (très bon Amos même si l'absence de la finesse dont Hakius faisait preuve -en live notamment- se fait parfois sentir) et mantras monocordes que plusieurs personnes reprennent en chœur. Après ce morceau de bravoure, les deux enfoncent le clou avec deux ou trois autres pièces, modelées, remodelées, de plus en plus puissantes dont un Bhima's Theme étendu sur plus de 15 mn et le désormais inévitable Rays Of The Sun/To The Shrinebuilder. Et "shrinebuilder" ils le sont vraiment ce soir, constructeurs de temples, se laissant eux-même piéger par la ferveur de leurs adorateurs. 


Si le début de set râleur et la nonchalance de Cisneros en a gêné plus d'un, le duo a prouvé qu'il restait un des groupes les plus passionnants de ces dernières années, à la fois serein et enragé, tellurique et céleste.


Après quelques minutes de récupérations, nous tombons tous d'accord. Tant pis pour les Acid Mother Temples, on en restera là, et chacun rentre chez soi sur son petit nuage. Heureusement, afin d'assurer une certaine constance à ce blog, on m'a promis un report d'AMT à venir pour bientôt. (attention, je lui mets la pression)



merci à Robert Gil pour les photos.

jeudi 3 juin 2010

Nice Face - Immer Etwas


 Voilà voilà. Un énième groupe de punk retro, jouant la carte mitée du lo-fi, rajoutant de l'orgue et du synthé pour se toucher la nouille expérimentale, chantant dans une boîte de conserve, parce que ça fait plus sale. Sauf que cet album de Nice Face, au lieu de nous sortir un EP sympa-mais-qu'on-écoute-une-fois-faut-pas-déconner, ils nous sortent un album plein à craquer, comme un prisme bouffi et terni des late 60's avec ses orgues foutraques et futuristes (vous savez, ce futur tel qu'on se l'imaginait il y a 50 ans), avec ses basses entêtées, refusant de céder le moindre pouce de terrain aux guitares granuleuses. Le plus intéressant c'est peut-être cette affiliation garage qui pourrait être précisée, redéfinie : ici, en lieu et place de garage-rock, pensez cave-rock, qui pue le goth-rock sous les bras m'voyez? Les Beach Boys Undead meets The goth Sonics. Si tous les dance-floor du monde passaient ce truc...

C'est ici que ça se passe (je vous recommande Hard Time pour l'échauffement.)