mardi 28 juillet 2009

Karl Runau - Beyond Frequencies


Karl Runau, de prime abord, c'est un peu le mec chiant de Galakthorrö, celui en chemise terne boutonnée jusqu'en haut, qui réajuste ses lunettes en trifouillant des machines tout seul dans son labo. Il parle à personne et il fait de la minimale. De prime abord seulement parce que le petit Karl (Kraftwerk's dejected half brother comme l'appellent ses potes de label) a de bonnes choses à t'offrir. Il œuvre dans une electro minimale faite de roucoulements analogiques et de synthés qui fleure bon l'indus old school tout en y ajoutant une ampleur organique assez intéressante. Les morceaux se construisent en enchevêtrements de boucles et de nappes, tout en retenue mais sans jamais se défaire d'une certaine tension, voire même d'une certaine fougue (Confused Electrons). Organique, le terme peut être trompeur : la musique de Karl Runau est mécanique et froide, mais il insuffle (notamment par le biais des rythmiques et des basses) une chaleur, un côté humain déstabilisant dans ce style particulièrement robotique. Interesting, Doctor Runau.

jeudi 23 juillet 2009

Ascend - Ample Fire Within



Imaginez une ascension implacable, mais partant de très, TRES bas. Imaginez un black One gravissant une par une les marches de son enfer pour essayer de rejoindre la surface. Il sait très bien qu'il est piégé, englué par ce drone vrombissant, mais il essaye tout de même de s'extirper de cette masse sombre et visqueuse. Pas à pas, gravissant des marches glissantes, d'abord à taton, éclairé faiblement par des lead guitar discrètes, puis plus fermement, violemment même, porté par des arpèges de plus en plus cristallins. La moindre note résonne, va se fracasser contre des parois spongieuses, la mousse recouvre la roche, alors il se met à chanter. Il bourdonne d'abord, tel un mantra d'outre tombe, puis il prend confiance, sa voix se déploie. On entend ses cordes vocales rongées par les algues et le varech se délivrer à chaque pas. Ses membres sont engourdis, souillés par la rouille et le lichen rampant, mais il avance. Plus il monte, plus il est pris d'une transe chamanique portée par des cuivres étouffés, des orgues lointains. Soudain, il lui semble entendre quelque chose, le souffle d'une cornemuse et le bruissement d'une forêt. Il comprend qu'il est proche de la fin, la nature dans toute sa puissance vient l'écraser, l'ascension continue. Il découvre alors, enfin, le monde tant espéré, ainsi que ses horreurs.


The sea is full of monsters
as are the mountains
The deserts are full of death
from canyon to steppe
The valley is full of skulls
picked clean by monsters
God only knows
how we made it this far
Everybody knows
we must be monsters too



Et puis vient l'omniscience, en un mouvement baudelairien, il comprend qu'il est voué à la chute, que l'ascension n'est qu'un leurre, qu'il va retomber dans ce marasme d'infrabasses, dans cette dark matter...

feeling the motion of the earth
the bright pearls of the comet exploding
her body pulled apart into
clusters of fire
drifting too near Jupiter
all this spun running nowhere
through the emptiness of space


always to rise, soar, falter, fall, disappear




www.myspace.com/ascendamountain

mardi 21 juillet 2009

Anaal Nathrakh - In the Constellation of the Black Widow



Aufan, mais qui sont ces mecs? Que leur a fait subir leur maman (ou leur tonton Gérard) pour qu'ils nous vomissent une telle haine? Leur dernier opus (Hell Is Empty And All the Devils Are Here) m'avait un peu laissé dubitatif : toujours extrêmement violents, les britons avaient néanmoins mis de l'ordre dans leur capharnaüm (structures couplet/refrain), aseptisé (tout est relatif) leur son et saupoudré leurs compos d'un riffing plus thrash et catchy un peu déconcertant. Il semble que ce travers soit aujourd'hui oublié :

Pour ce qui est du son clean et chirurgical, ItCotBW se pose là, enterrant définitivement les gargouillis de vieilles raclures de rouilles de The Codex Necro. La prod est encore plus propre que sur le précédent, mais elle est cette fois mise au service de compositions beaucoup plus brutales. Anaal Nathrakh est en roue libre, plus violent que jamais, et tabasse d'un bout à l'autre de ces (courtes) 35 minutes. La recette est la même que d'habitude : black, death, grind et tamère, blasts intersidéraux, chant varié (growl, hurlements saturés de maniaque totalement cramé) sur des titres cette fois assez courts.
On notera avec plaisir l'usage plus modéré du chant clair heavy et épique rappelant Ihsahn ou Thebon (Keep of Kalessin) ainsi que ce don (retrouvé) pour conjuguer ultraviolence et mélodies entêtantes. Ajoutez à cela un titre d'album avec "black" dedans, une pochette avec un corbeau, un squelette et une faux et on est en droit de se dire qu'on a là un putain de bon cd.


lundi 20 juillet 2009

Next Life - The Lost Age

Sur le papier, le trio norvégien a de quoi interpeller : "electronic progressive & superviolent", moi ça me fait frétiller. Et de fait la recette marche plutôt bien : guitares stridentes et saccadées, syncopes à la D.E.P, synthétiseurs ROLAND au bord de l'implosion (ils citent Jarre en influence), triturations analogiques, blasts, hurlements, bref les bases sont là. On pense à Converge, Battles, Genghis Tron et bien d'autres, mais putain que cet album est frustrant. 16 pistes ne dépassant que très rarement les 2:00, ça passerait si tous les morceaux étaient en effet "electronic progressive & superviolent" malheureusement on reste assez souvent sur sa faim. Des bonnes idées il y en a à foison, là n'est pas le problème, mais elles gagneraient à être développées, étirées, poussées à l'extrême. Ici tout reste toujours trop sage, on voudrait plus de hurlements, plus de blasts, plus de basses, plus de crissements qui font mal. Digimetal, noise electro ouais ouais, mais c'est bien trop gentil tout ça. Alors oui, parfois on dépasse les 2:00, et Next Life déploie réellement son potentiel mélodique, et un souffle épique assez bluffant (l'excellent Towards Divinity), mais ces sorties sont bien trop rares. B-, non mais.


dimanche 19 juillet 2009

Nekromantix - Brought Back To Life


Qui n'aime pas les zombies hein? Personne. Qui n'aime pas la gomina et le franc tremplin ébène? Personne. La contrebasse endiablée et les choeurs entraînants? No one. Les power trio danois sortis tout droit du cimetière? Personne bien entendu. Ca file, ça secoue, ça grimace et ça bave, toujours à 100 à l'heure dans une grosse Cadillac, entre rugosité punk et déhanchement rockabilly, on se prend presque à regretter d'être né si tard. Et puis franchement, un tel mélange d'eros mignonnet et de thanatos de série B, ça ne peut qu'être bon.



Placebo - Battle for the Sun








Ahah.

vendredi 17 juillet 2009

James Blackshaw - The Cloud of Unknowing


J'ai toujours eu du mal avec les petits prodiges. Sans doute à cause de ce dangereux écueil qu'est la démonstration pure, la technique sans âme. Alors ce James Blackshaw, 28 piges et une petite dizaine d'albums à son actif, tout seul lui et sa guitare 12 cordes, y'avait de quoi se poser des questions. L'album s'ouvre sur un long morceau-titre poignant qui pose les bases du son Blackshaw : un finger-picking de virtuose complexe et mélodique assez bluffant. JayBee tisse lentement une toile harmonique dense mais cristalline atteignant de véritables moments de grâce. Les boucles graves servent de support à une mélodie ouverte et évolutive quasi-obssessionelle qui rappelle parfois le drone acoustique de certains travaux de Six Organs of Admittance, voire même un Ginnungagap fiévreux et élancé. Plus concises et lumineuses, les 2eme et 4eme pistes dévoilent une autre facette du jeu de Blackshaw, parfois accompagné (notamment par un glockenspiel), moins répétitive, mais tout aussi intense. La piste centrale, la plus courte, tranche de par sa construction (cette fois très proche des expérimentations de Ginnungagap) mêlant sonorités asiatiques et bruitages en tout genre (on flirte ici avec la musique concrète). Enfin, dans une symétrie parfaite, l'album se clôt sur un long titre proche du 1er de par sa construction en spirale, avec cette fois le soutient de violons stridents achevant le morceau dans le chaos le plus total.

Écueil évité donc pour JB, qui tout en faisant montre d'une dextérité et d'une technique parfaite, parvient à nous pondre des morceaux chargés d'émotions. Une franche réussite lui ayant d'ailleurs permis de capter l'attention d'un certain M.Gira et de son label, Young God Records, sur lequel est sorti son dernier album en date (The Glass Bead Game).

jeudi 16 juillet 2009

DM Stith - Heavy Ghost




12 perles d'indie folk habitée aux relents psychédéliques : voilà une des bonnes surprises de l'année 2009. Les compositions richement arrangées se construisent autour d'une base de guitares grinçantes et de piano hanté au dessus desquelles flotte la voix fragile de David Michael Stith. On pense souvent à Thom Yorke, avant que des chœurs fantomatiques et des bandes inversées ne nous emmènent errer du côté de Matt Elliot et de ses slaves ambiances mélancoliques. Toujours à la marge, surprenant du début à la fin, Heavy Ghost surprend par ses arrangements divins, son sens de la mélodie et son inventivité.

Southland Tales




Aurait-on enfin trouvée la perle des années 00 ? Le porte-étendard de toute une génération ? Bercés par le kitsch des 80’s, sevrés par les mutations des 90’s, nous voilà enfin adultes, prototypes bancals, update continuelles, nous voilà résidents d’un monde que l’on ne comprend plus vraiment. Il nous fallait quelque chose à quoi nous rattacher, nous rappeler qui nous sommes et où nous sommes. Richard Kelly nous l’a offert, discrètement, trop peut-être, à tel point qu’il faut attendre la sortie en DVD de Southland Tales pour qu’enfin la presse commence à percevoir l’étendue de ce projet-monstre, ambitieux, saturé et complexe.
Impossible de résumer quoi que ce soit. Ce film est un bordel inimaginable, une boursouflure cotonneuse et multicolore, un ample mouvement qui tente de saisir sur fond d’apocalypse, l’ambigüité, la beauté et les travers d’une Amérique post-9/11. Tentons tout de même une réduction sommaire de l’intrigue : un acteur body-buildé complètement flippé (Boxer Santaros) et une ex porn-star ambitieuse (Krysta Kapowski) ont écrit un scénario. The Power. Récit détaillé de la fin du monde, il s’avère tenir plus de la prophétie que de la fiction. Progressivement la frontière entre scénario et réalité s’atténue, les noms s’entrecroisent, l’action se dilate, on est perdu, les protagonistes le sont encore plus. Une myriade de personnages gravitent autour de nos deux acteurs : savants nerdy déjantés, terroristes néo-marxistes dangereux et ridicules, vétérans traumatisés par la Troisième Guerre Mondiale ; tout ce petit monde s’agite, suit son propre itinéraire, se bat, s’ébat, tous plus paumés les uns que les autres. Un vrai bordel je vous dis, un chaos sucré, presque trop lisse, malgré un trop-plein d’information, de données, d’images…
Car si l’on ne devait retenir qu’un terme, ce serait celui de « saturation ». Southland Tales est rempli à ras-bord, il se débat dans un maelström de médias, d’interactions constantes, de journaux TV, de clips (on peut penser à l’interface des premières minutes, aux multiples écrans, moniteurs, oreillettes et viseurs qui jalonnent le film). Kelly accumule les personnages, les esquisse brièvement puis se déconnecte et s’engage dans une voie opposée, il nous bombarde d’informations sans nous laisser le temps de digérer quoi que ce soit, surplus de signes, de symboles, de sens et de non-sens. Southland Tales ou comment faire tenir le capharnaüm d’une chambre d’adolescent dans un film de 2h30 : références cinématographiques, musicales, clins d’œil graphiques, tout y passe avec une étonnante facilité. Nous avons ici à faire à un film du « trop », une œuvre-monde affreusement ambitieuse et pourtant pour un peu que l’on se laisse emporter par ce tsunami atomique multicolore, on ne peut qu’en apprécier la richesse et les infinies possibilités générées devant nos yeux.
Vaste mouvement aérien sur notre époque, Southland Tales ne raconte rien mais dit tout. Sous couvert d’une certaine indifférence pop ensoleillée (l’action se déroule principalement dans un décor californien sorti tout droit d’un clip de R’n’B), toute la société des années 2000 y passe : consumérisme, terrorisme, paranoïa, drogues, violence, superficialité, absurdité, sexualité, amour, le tout teinté d’une mélancolie adolescente (déjà perceptible dans Donnie Darko, du même réalisateur). Apocalypse totale, c’est aussi et surtout la fin du sens, la vacuité sémantique de notre époque qui s’étend tout au long du film. A l’image des tatouages de Boxer Santaros (le yin et le yang y côtoient l’étoile de David) les signes perdent tout leur sens, Karl Marx devient une icône pop-art flirtant avec Marylin, le Grand Soir n’est qu’une farce désabusée en roue libre... Même le point culminant du film, cette fin du monde hallucinée, a lieu dans un camion de glace (conduit par le non moins halluciné/ant Christophe Lambert). On flirte constamment avec le niais et le surfait sans jamais tomber vraiment dans le ridicule. On peut être interloqué par les mimiques clownesques de Boxer Santaros, amusé par la team de freaks scientifiques et de nains en blouses de chimistes, mais cela ne dure pas. Très vite le film nous happe de nouveau par une nouvelle aberration graphique, une punch line bien sentie ou un clip budweiser light de Justin Timberlake.
Voilà Southland Tales, le fatras de notre siècle, mutant fragile, grosse bulle de chewing-gum au bord de l’implosion, mais avant tout un film esthétiquement parfait, ponctué de scènes de bravoure et qui méritera plus d’un visionnage pour en saisir toutes les subtilités.


Une dernière chose pour ceux qui seraient tentés de se laisser happer par le brouillard de Southland Tales : vous trouverez (si vous savez où chercher) 3 comics à lire avant de regarder le film, 3 chapitres (Southland Tales s’ouvre sur le chapitre IV) qui vous aideront sûrement à appréhender un peu plus cette somme arty, ce « happening post-moderne ».



publié initialement ici.




Dan Deacon - Spiderman of the Rings



Je connais des mecs, des junky de la folksonomie, qui taggent leurs chroniques musicales avec des noms de substances plus ou moins légales. Si je voulais faire la même pour Dan Deacon, je serai bien dans la merde. Peut-être un mélange d'acide lysergique, de mescaline et de dragibus. C'est que le petit gros barbu de Baltimore nous a pondu là une galette pas comme les autres. Aux croisements d'une electro 8-bit naïve et du happening de circuit bender, Deacon se promène gaiement, entraînant derrière lui toute une foule d'adeptes sous hélium, adolescents trépanés, animaux en 2D, tous conquis par la fougue de cet attardé à lunette. Au milieu d'un bordel de gloussements analogiques et de bipbip trafficotés, DD nous envoie une grosse basse saturée, des choeurs débilo-neuneu et parvient à rendre le tout intéressant, dansant, parfois même assez beau. Et puis oui, Wham City est pièce de bravoure, un hymne tout droit sorti d'Imagination-Land (imagiiiiiiiiinatiiiiiiiion) sur lequel on fini toujours par retomber. Ses lives sont censés être de véritables communions, des moments de plénitude. Pour ça malheureusement on repassera, sa prestation à la Villette Sonique cette année ayant été plus que moyenne.

Kvelertak



Ils sont jeunes, barbus, norvégiens, et ont une belle chouette en guise de logo. Et en plus ils font de très bonnes choses. Au petit jeu des étiquettes, ils s'auto-collent (hmm) celle-ci : "black metal- and thrash-inspired punk rock, with a pop-oriented approach". Soit. Pour être plus précis, disons que dans leur salon doivent se cotoyer des posters d'Aura Noir et Entombed, et, posés sur la chaîne hifi, les 3 derniers Darkthrone dissimulant un best of des Hives. Re-soit. Mais cette approche pop alors? Il faut pour ça regarder du côté de leurs amis et de leurs accointances avec un autre groupe norvégien transgressif : Lydia Laska. Plus crus et virulents que leurs camarades (le chant et le riffing black metal sont ici prédominants), ils ont néanmoins en commun leur manière d'aborder leur musique, avec un certain décalage, une légereté (toute relative) qui donne envie de bouger notre corps trop maigre et un peu palôt.



Antigua y Barbuda - Try Future



Je vais pas vous ressortir l'éculé coup de la chronique/recette (une larme de stoner, un torrent de crust, un sucre, une olive et un bout de ficelle). C'est pas l'envie qui m'en manque pourtant. Try Future est un vrai bouillon de culture musicale, déstabilisant et extrêmement addictif : Une base metal burnée comme la plus barbue des groupies de Mastodon (blasts à tout va, riffs blackisants et heavy as fuck) à laquelle s'ajoute un chant haut perché (inévitable comparaison avec le Mars Voltien Cedric Bixler-Zavala), et des relents psychédéliques marécageux bataillant avec des nappes de synthé analogiques (on pense à Kylesa, Gengis Tron...) Voilà très grossièrement la bête. (Bête d'ailleurs mixée par Kurt Ballou en personne.) Certains y entendent un peu de Muse (mouais) d'autres du Envy (zzzz), les Ibères se sont vu étiquettés "Math-Rock Psyché", bref, osef: voilà de la vraie musique inspirée, épique, et jouissive.