Avant même sa sortie, avant même une première écoute, un frisson a fait tressaillir les réseaux sociaux et les autoroutes encombrées des internettes : le dernier Radiohead est mauvais. Depuis, les chroniques sauvages se multiplient, on parle de face-b, de chutes studio, d'album insignifiant, de retour raté (mais payant). Un acharnement presque violent qu'on peut comprendre : Radiohead est devenu incontournable et les bouffées asphyxiantes du buzz donnent la nausée.
Pourtant, du haut de mon donjon, assis dans mon fauteuil de cuir, caressant d'une main gantée un chat persan, je ris. Je ris et me moque, hilare, pensant à tous ceux qui ne comprendront jamais ce disque. Pensant à tous ceux qui ne parviendront pas à déceler le fourmillement de cette pop microbienne, bridée, ornée de toute part, du rococo en dedans, du baroque inverti. Tous ceux qui se demandent "quand est-ce que ça décolle?" Mais mec, pas besoin de décoller quand tu planes déjà. Tu me suis? La toile Radiohead est peinte depuis longtemps. Le gros œuvre, c'est fini, maintenant place au détail. C'est vrai que l'ampleur du geste s'en ressent, mais c'est le prix à payer quand on cherche à atteindre l'épure, le sublime. D'ailleurs, épurer n'est pas appauvrir, loin de là. Deux touches d'afro-beat, une guitare sèche et des pulsations étouffées, un piano, 3 accords, quelques samples inversés, the King of Limbs regorge de variations, de tentatives, de chemins à suivre. Aujourd'hui, j'ai suivi le sentier tortueux de la basse, le squelette de cet album, magistrale de l'éclosion du rêve (Bloom) au réveil brutal (Separator). Demain je prendrai les pistes herbeuses et effrayantes des guitares... Radiohead s'apaise, mais n'en reste pas moins un groupe torturé, un groupe d'enfants rêvant de forêts infinies, un groupe de gosses qui croit aux monstres.
Je ris, face à l'évidence de ce disque, face à la simplicité qui effraie, face à cette micro-pop boisée, qui dresse des créatures dans la mousse, nous conte des guerres, des civilisations entières, dans la transparence d'une boîte de Petri.
Allelujah ! Tu exprimes parfaitement ce que je m'acharne à expliquer dans des commentaires de blogs: The King of Limbs se s'écoute pas du tout comme les autres disques de Radiohead, il creuse un concept, il ne cherche pas à être exhaustif.
RépondreSupprimerAu-delà de la qualité de ta chronique, c'est un réel soulagement de voir quelqu'un qui soit d'accord avec moi.