vendredi 18 décembre 2009

Memories of Murder - Joon-ho Bong




A défaut de m'attarder sur la dernière livraison de Park Chan-Wook, intéressante mais quelque peu convenue et décevante, (Thirst, 2009), et à l'occasion de la sortie imminente de Mother (janvier 2010), j'ai ressorti de mon carton "Ciné sud-coréen" le second film de Joon-ho Bong, Memories of Murder (2003). Déjà bien connu après ce thriller rural, il avait franchi un cap (de popularité tout du moins) avec le génial The Host sur lequel je reviendrai peut-être. Il va falloir s'y habituer, je crois que je manie mieux l'art de la dithyrambe que du démontage en règle, excusez donc par avance les emportements dont votre serviteur risque d'être le sujet.

Thriller avant tout, MoM revient sur des évènements réels, à savoir les meurtres du premier tueur en série à avoir sévi en Corée du sud. Plongés dans la vie d'un petit commissariat de campagne à la fin des années 80, nous suivons pas à pas la pénible enquête d'un "duo" hétérogène. D'un côté deux flics véreux, de l'autre un jeune loup citadin parachuté pour les besoins de l'enquête dans ce trou perdu. Un tueur en série, un duo de flics que tout oppose, une enquête. Difficile aujourd'hui d'être surpris par un scénario aussi classique. Et pourtant MoM marque par sa faculté à éviter le cliché et les écueils du genre tout en en respectant les codes. Tout en subtilité, Joon-ho Bong mène de bout en bout un thriller sombre et prenant, drôle sans être lourd, violent sans être gratuit (peut être le défaut principal de son collègue sus-nommé?) et, c'est là son atout majeur, extraordinairement beau. Des champs de blé ensoleillés ouvrant et clôturant le film à l'irréelle féérie nocturne de la carrière, on se prend à contempler les paysages comme s'il s'agissait de peintures, belles et inquiétantes. L'esthétisme discret de certaines scènes se marie à l'intensité et à la fluidité de la réalisation, nous offrant parfois de véritables moments de grâce. (Paroxysme atteint selon moi lors d'une scène de traque au milieu de marais, lorsque la jeune proie est lentement encerclée par un chasseur invisible, apparaissant furtivement en arrière-plan, sous une pluie diluvienne).

Sans jamais se départir d'un certain classicisme dans la mise en scène (le film se déroule avec une fluidité et une simplicité déconcertante), Joon-ho Bong parvient à maintenir l'attention du spectateur en éveil par de brusques percées frôlant le burlesque et la comédie potache (le coup de pied aérien d'un des flics est tout bonnement le gimmick ultime) . On est loin de Rush Hour, mais cette dose d'humour rafraîchissante met d'autant plus en relief le tragique de l'ensemble.
Tout s'apprécie dans MoM. Tout s'apprécie car Joon-ho Bong prend son temps. Je vois déjà dans vos yeux une peur soudaine et la sueur perlant sur votre front : "Oh mon Dieu, un film asiatique contemplatif, fuyons!" Soyez rassurés, s'il sait distiller l'action sur plus de deux heures, le réalisateur s'impose aussi comme un maître du suspens et de la tension sous-jacente.
Subtile aussi (même si elle aurait gagné à l'être un peu plus), l'évolution des personnages, qui au fil des échecs et des désillusions se perdent dans leurs principes, doutent et murissent. On s'attache réellement à ses protagonistes qui se construisent petit à petit devant nos yeux, portés par une interprétation juste et souvent touchante. (le premier suspect un peu simplet notamment). Autour de nos trois flics gravitent d'ailleurs toute une myriade d'hommes et de femmes qui présentent une peinture par le détail de la société coréenne toute entière.
Au risque de rompre la fluidité de sa narration, Bong parsème son film de "clins d'oeil" très bref (couvre-feu, manifestations en arrière-plan etc.) rappelant ainsi le contexte politique de la Corée. Je laisse à d'autres le soin d'y voir une critique du régime en place et m'en tiens à la beauté sauvage d'un polar lugubre, dont le réalisateur est souvent comparé à un Fincher, la sensibilité asiatique en sus.

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